Alors que les vagues de chaleur deviennent de plus en plus fréquentes et intenses en France, une proposition de loi ambitieuse vise à interdire progressivement la location des « bouilloires thermiques », ces logements où vivre devient insupportable pendant l’été. Objectif : protéger les habitants et anticiper l’impact du réchauffement climatique sur l’habitat. Une nouvelle révolution réglementaire à intégrer d’urgence pour les professionnels de l’immobilier.
Un tiers du parc locatif dans le viseur
Avec des températures records qui se multiplient, certains logements se transforment en véritables fournaises. Sous les toits, orientés plein sud, sans isolation adaptée ni protections solaires, ces logements mal conçus sont devenus invivables lors des épisodes de canicule. Selon le baromètre du Médiateur national de l’énergie, 42 % des Français ont souffert de la chaleur chez eux en 2024, un chiffre qui ne cesse de grimper.La Fondation pour le logement des défavorisés alerte : près d’un logement sur trois serait aujourd’hui une bouilloire thermique. Plus inquiétant encore, 31 % des logements classés A au DPE (Diagnostic de performance énergétique) présenteraient un mauvais confort d’été, signe que l’isolation hivernale n’est pas toujours synonyme de fraîcheur estivale.
Que prévoit la proposition de loi Zéro logement bouilloire ?
Face à ce constat alarmant, un groupe de députés de tous horizons, soutenus par la Fondation pour le logement, vient de déposer une proposition de loi inédite. Voici les principales mesures envisagées :
À compter du 1er janvier 2030, un seuil de confort thermique estival sera intégré aux critères de décence. Les logements qui dépassent régulièrement 26 °C la nuit et 28 °C le jour pourraient être interdits à la location.
Le niveau de confort d’été deviendra obligatoire dans toute annonce immobilière, via une mention spécifique dans le DPE. Une avancée majeure pour mieux informer les locataires.
La pose de volets roulants, brise-soleil et autres protections sera facilitée en copropriété. Une simple majorité en assemblée générale suffira, contre une majorité absolue aujourd’hui.
Dans les zones patrimoniales, les architectes des bâtiments de France devront assouplir leur position pour permettre l’installation de protections solaires, même sur des façades classées.Enfin, la loi prévoit d’interdire les coupures d’électricité pendant les vagues de chaleur, pour garantir l’utilisation de ventilateurs ou d’équipements de rafraîchissement essentiels.
Un enjeu majeur de santé publique
Au-delà du confort, la surchauffe des logements est devenue un véritable enjeu sanitaire. Selon Santé Publique France, 3 700 décès liés à la chaleur ont été recensés à l’été 2024, la majorité touchant les personnes âgées et les plus précaires. Ces publics cumulent souvent plusieurs facteurs de risque : logements vétustes, absence de climatisation ou de volets, et faibles ressources pour investir dans des équipements.Les experts alertent aussi sur un effet pervers : certaines rénovations thermiques, pensées uniquement pour l’hiver, aggravent parfois la situation en été. Une isolation performante mais sans ventilation adaptée peut transformer une passoire hivernale en bouilloire estivale.
Des conséquences directes pour les professionnels de l’immobilier
Pour les propriétaires bailleurs, les diagnostiqueurs immobiliers, les agences et les syndics de copropriété, cette réforme implique de nouvelles obligations à anticiper dès maintenant.
De nombreux biens pourraient devenir interdits à la location s’ils ne respectent pas les seuils de confort thermique. Les propriétaires devront réaliser des travaux, installer des protections solaires ou revoir la ventilation pour continuer à louer.
Les diagnostiqueurs devront intégrer cette nouvelle donnée au DPE, qui gagne encore en importance et en précision. Les agences immobilières seront tenues de vérifier la conformité des annonces sous peine de sanctions.
Côté copropriété, l’assouplissement des règles de vote devrait faciliter les chantiers collectifs pour protéger les façades du soleil. Une opportunité mais aussi une nécessité pour éviter de voir se multiplier les logements bloqués sur le marché locatif.
Combien coûtera cette mise à niveau ?
La Fondation pour le logement estime à 1,1 milliard d’euros par an le budget nécessaire pour équiper ou rénover l’ensemble du parc locatif exposé d’ici 2040. Une partie de ce coût pourrait être couverte par des aides publiques, mais les propriétaires devront eux aussi contribuer. La question du financement sera donc au cœur des débats à l’Assemblée nationale.
Une adoption attendue dès cet automne
La proposition de loi Zéro logement bouilloire devrait être examinée à l’automne 2025. Si elle est adoptée, elle viendra compléter les mesures existantes sur les passoires thermiques et renforcer encore le rôle du DPE comme outil de transparence et de performance énergétique globale.Cette réforme marque une nouvelle étape : la lutte contre la précarité énergétique ne se limite plus à l’hiver mais intègre désormais la précarité d’été, devenue un enjeu climatique, sanitaire et social incontournable.
Conclusion : anticiper pour mieux louer demain
En interdisant progressivement la location des bouilloires thermiques, la France franchit une nouvelle étape pour adapter le parc immobilier au changement climatique. Cette proposition de loi oblige propriétaires, professionnels de l’immobilier et collectivités à repenser la rénovation sous l’angle du confort d’été, un sujet longtemps négligé. Bien au-delà d’une simple contrainte réglementaire, c’est une opportunité de valoriser des logements plus sains, plus attractifs et mieux adaptés aux futures vagues de chaleur. Pour les propriétaires, l’anticipation sera la clé : investir dès maintenant dans des solutions simples comme les protections solaires ou la ventilation performante permettra de garantir la valeur locative de leur bien et de protéger les occupants. En conjuguant performance énergétique et qualité de vie en toute saison, cette réforme rappelle que l’habitat doit avant tout être un lieu de bien-être, même sous un soleil de plomb.
Publié le 1 juillet 2025